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#4 Rencontre avec David & Laura de La Belette

BBP #4 La Brasserie du Val de Sèvre
La bière La Belette (79)

Bien-Bon faiseurs

 

Comment avez-vous eu l’idée, un jour, de créer votre brasserie ?

Ça faisait plus de 20 ans que David brassait en amateur. Il a commencé à brasser dans une marmite dans le garage de ses parents à la vingtaine : des premières expérimentations avec du matériel de débrouille.

Puis il s’est petit à petit perfectionné dans le domaine amateur avec l’achat de petites cuves dédiées à la brasserie. Un jour, il s’est dit que ce n’était plus satisfaisant de partager cela uniquement avec la famille et les amis et qu’il avait envie de partager cette expérience avec d’autres personnes. Pour lui, ça supposait avoir un retour sur ses produits, sur ce qu’il avait la capacité de produire. La bière reste un produit qui est festif, un produit de partage et du coup, il fallait que le cercle s’étende. L’idée était aussi de pouvoir passer plus de temps sur cette activité de brasseur qui lui plaisait tant. D’où l’idée de la création d’entreprise.

La deuxième raison de cette envie d’entreprendre, a été l’envie de créer pour « nous », sa famille, un patrimoine avec l’idée de la transmission.

La troisième raison était le « bon tempo » pour se lancer la brasserie. En 2013, il était déjà écrit qu’il y allait avoir un essor dans le monde de la brasserie artisanale en France.

 

Quel a été votre parcours d’entrepreneur ?

Il y a eu deux aspects : la formation professionnelle et les moyens techniques et financiers.

La formation professionnel du métier de brasseur

Pour la formation professionnelle, David avait déjà un bon bagage grâce à sa pratique amateur et à ses études en biologie. Ensuite, quand a germé l’idée de la création d’entreprise, David s’est formé auprès du Musée Français de la Brasserie à St Nicolas de Port près de Nancy, en réalisant plusieurs stages, grâce auxquels il a pu confronter ses pratiques mais aussi son projet à la réalité. Par exemple, en élaborant un business plan afin de se rendre compte si le projet tenait la route. Il a pu aussi partager son projet avec des personnes du milieu, étudier la structuration de l’entreprise, etc… Il y a eu aussi l’appui de la Chambre des Métiers et de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de la Vienne pour la « création d’entreprise », ce qui nous a aidé dans les premières années. Il a ensuite été nécessaire de boucler le budget constitué par un prêt bancaire et notre apport personnel.

Les moyens techniques et financier pour ouvrir une brasserie

On en vient donc à parler de l’aspect des moyens techniques. Pour le lieu d’implantation, David avait sélectionné quelques villages, où l’eau du réseau était de très bonne qualité (l’eau étant un composant majeur de la bière, on avait le souhait de réaliser une bière Bio avec une eau de qualité.). En se rendant à la mairie à Pamproux, Madame la maire, ravie de voir une entreprise s’installer sur son territoire, nous a informé de l’existence d’un ancien local d’artisan qui ne servait plus à rien et nous a mis en relation avec ses propriétaires.  Ça nous a permis d’avoir un local à un prix raisonnable et d’une superficie qui convenaient très bien à notre projet d’installation.

Pour le matériel de brassage, il a fallu trouver du matériel à moindre coût, faire appel à la débrouillardise et aux bouches à oreille. Il y a eu beaucoup de récupération et d’idée à la « géo trouve tout ». Faute de moyens suffisants pour acheter du matériel de brasserie neuf et « clé en main » (assez onéreux), il a fallu trouver d’autres matériels et les détourner de leurs fonctions premières pour brasser dans des conditions satisfaisantes et commercialiser mon produit (des cuves de laiterie, des petites astuces, beaucoup de bricolage pour l’aménagement du local…).

La solidarité et le partage d’expérience

Dans les années qui ont suivi, c’est aussi la dimension collective et le partage de l’expérience avec d’autres, qui nous a permis de se perfectionner et d’en arriver là où on en est aujourd’hui. Il y a 5 ans, une opération de financement participatif nous a permis d’acquérir des fermenteurs de brasserie afin de sécuriser et d’augmenter la capacité de production.

Concernant notre récent déménagement sur la commune de Salles :  Depuis plusieurs années se posait le problème de place et on avait aussi envie d’investir dans des bâtiments, avec cette notion de patrimoine et transmission. On a trouvé cet ancien logis, qui avait une belle histoire, en plein cœur d’un petit village d’environ 300 habitants. Notre projet permettait de donner un certain dynamisme au territoire, ce qui répondait à quelque chose qui nous correspondait bien.

 

Pouvez-vous expliquer la différence entre houblon et malt ?

Les ingrédients incontournables et essentielles de la bière sont le malt d’orge, l’eau, le houblon et la levure. C’est là-dessus que porte notre gamme de bière La Belette.

En brasserie, on peut aussi, en fonction des bières et des goûts recherchés ajouter différentes épices, comme par exemple de la coriandre ou des écorces d’oranges. Certains brasseurs utilisent aussi des purées de fruits pour réaliser une bière aux fruits ou des arômes dans le cadre de procédés plus « industriels » (ce qui ne nous concerne pas du tout, ni ne nous intéresse).

 

Le malt est la source de sucre. Ces sucres vont soit donner de l’alcool soit donner la texture et le corps de la bière. Les différents types de malts utilisés vont caractériser la bière, en lui donnant du goût et une couleur. L’emploi de malts caramélisés va pouvoir donner le caractère de certaines bières ambrées, les malts très torréfiés sont utilisés pour la fabrication des brunes, alors que des malts peu colorés s’utilisent pour la production de bière blonde ou blanche.

 

Le malt n’est pas une céréale.

La bière c’est une boisson fermentée à base de céréale. Les céréales dont on parle sont l**’orge de brasserie** (ce qu’on utilise le plus couramment). Cette orge on va le travailler de manière à ce qu’il nous révèle l’ensemble de ses composants, ses sucres simples, c’est ce qu’on appelle le maltage.  L’orge est alors envoyée en malterie qui va s’employer à le faire germer, ce qui va réveiller les enzymes dont on a besoin pour découper les sucres complexes (l’amidon) en sucres simples plus solubles. On va ensuite arrêter cette germination par une chauffe (environ 60 à 80°C) et débarrasser le grain de son germe : on obtient un malt clair qui va servir de base à toute recette de bière. Le malt peut être ensuite torréfié plus ou moins fort et longtemps afin d’obtenir des malts « spéciaux ».

 

Le houblon quant à lui peut être comparé à une épice mais une épice indispensable pour faire de la bière.

Historiquement ajouté à la bière pour ses propriétés antiseptiques très utiles à la conservation du breuvage, le houblon apporte à la bière tout son caractère aromatique et lui confère notamment son amertume. En fonction des variétés utilisées, on va avoir des houblons très aromatiques ou fort en amertume. Il peut être à l’origine de saveurs insoupçonnées comme celles d’agrumes, de fruits exotiques, de cassis, de résines, etc…

 

Comment brasse-t-on une bière ?

Globalement, il y a plusieurs étapes :

  • On part du grain d’orge malté que l’on va moudre afin de le réduire en farine grossière. Cette farine va être incorporée à de l’eau chaude portée à différents paliers de température. Il se forme une pâte liquide qui va être brassée en continu, c’est l’empâtage.  C’est une infusion durant laquelle l’amidon se transforme en sucres simples et en sucres complexes.
  • Il va ensuite falloir séparer les résidus solides du malt, appelés drêches de brasserie, du jus sucré lors de la filtration. Les drêches vont être rincées à l’eau chaude, afin de les débarrasser du maximum de leur sucres et ainsi constituer le moût.

 

Les drêches de brasserie sont un déchet pour le brasseur que nous valorisons en alimentation animale (chèvres, vaches, poules…) et en boulangerie (Pain Belette de l’Atelier 58 à Lusignan, présenté lors de l’émission La Meilleure Boulangerie de France sur M6).

 

  • Le moût ainsi obtenu va subir une cuisson, au cours de laquelle va être ajouté le houblon et éventuellement des épices.
  • Le moût va être refroidi et envoyé vers les fermenteurs, où va pouvoir démarrer la fermentation grâce aux levures. Cette fermentation va durer plusieurs semaines au cours de la cours de laquelle va « naître » une bière qui au fil du temps va développer tout son profil aromatique.
  • C’est enfin l’heure de l’embouteillage !  La bière à la sortie de nos fermenteurs est « plate », avec très peu de bulles. Il va donc falloir provoquer la re-fermentation en bouteille pour que la « pétillance » de la bière soit présente à l’ouverture de la bière, en ajoutant un peu de sucre. Cela va « réveiller » les levures encore présentes qui vont consommer ce sucre et ainsi produire la quantité de bulles nécessaire à une bonne dégustation.

 

Vous avez partagé une publication de l’AMAP de la Cerisaie dans laquelle ils disaient, je cite : « Le circuit court est le chemin le plus rapide pour changer ».

David et moi (Laura), on est tous les deux animés par certaines convictions.

À la Belette, il y a toujours eu que des produits biologiques et ce n’est pas une histoire de tendance ni d’atouts markéting. Pour nous, l’idée c’était de produire une bière de terroir, de qualité et d’engagement. Ça veut dire qu’à la sélection de nos matières premières, on réfléchit à la manière dont elles sont produites : humainement, de manière respectueuse de l’environnement donc d’où l’intérêt de travailler en biologique, mais également en local. On a développé des partenariats avec deux agriculteurs, le lycée agricole de Melle et un agriculteur du Thouarsais qui nous cultivent l’orge de brasserie. On l’envoie dans une malterie artisanale et locale (la plus proche qui accepte de nous prendre nos petits volumes). On travaille aussi en collaboration avec d’autres brasseries quand cela est possible pour mutualiser les transports et ainsi diminuer notre impact de l’activité en général sur l’environnement.

Sur l’aspect « court-circuit », il y a l’étape en amont (le choix de matière première et de la production) mais aussi celle d’après, à savoir, la vente. On ne vend pas qu’en direct mais on a toujours vendu nos bières à travers les AMAPs. Les Amaps c’est une notion d’engagement, de responsabilité dans la consommation et de proximité. Aussi, sur la manière dont on distribue nos produits, on opère dans un cercle de 70 Kms autour de la brasserie et majoritairement sur un axe Niort-Poitiers. On a aussi quelques points de vente sur d’autres espaces en Poitou-Charentes.

On est très à l’écoute des projets d’associations, d’épiceries locales. Depuis quelques années, on a beaucoup de porteurs d’initiatives locales durables qui viennent spontanément vers nous pour référencer nos produits. Donc pour nous, c’est très satisfaisant car ça répond parfaitement à notre état d’esprit.

 

Pourquoi appeler votre bière « la Belette » ?

Ce n’était pas si simple de se dire « comment on va nommer notre bière ».

On voulait garder cette idée de « bière de terroir » avec l’attachement à un territoire et à un univers. On s’est installé sur la commune de Pamproux, où se situe la Côte Belet : c’est une butte calcaire qui accueille notamment une vingtaine d’espèces d’orchidées sauvages. Sur ce site géré par le conservatoire des espaces naturels, il y a aussi des anciennes vignes communales qui sont vendangées chaque année collectivement, lors de la fête des vendanges qui anime le village à l’automne.

La Belette, c’est aussi une petite image naturaliste qui fait en clin d’œil au secteur d’activité dans lequel nous évoluions tous les deux auparavant. Donc finalement c’est devenu une évidence. En plus de ça, David a imaginé assez rapidement ce petit personnage de la Belette et ses mises en scène mais c’était avant tout une référence au territoire de la brasserie.

 

Comment créez-vous une bière ? Comment lui donner vous sa particularité gustative ?

Notre expérience nous permet de savoir quelle est la proportion de malt, quels types de malts, quel est le type de houblon à mettre en œuvre pour réaliser une recette. Ensuite c’est la répétition de cette recette qui permet d’améliorer le produit en fonction de l’objectif recherché. Certaines recettes dont nous sommes pleinement satisfaits n’évoluent plus ou peu et d’autres peuvent encore faire l’objet de quelques ajustements à la marge.

Il y a cette notion d’engagement par apport aux matières premières locales qui nous amènent chaque année à revoir des choses quand on n’a pas l’approvisionnement tel qu’on le souhaiterait. C’est par exemple le cas des houblons. On achète du houblon français et biologique et on doit faire en fonction de ce qu’on arrive à obtenir. C’est ce qui fait de nos bières, des produits vivants.

 

Quelle est votre bière « signature » ? Qu’a-t-elle de spéciale ?

Bière signature ? je ne sais pas ! mais j’ai quand même envie de vous parler de la Belette de printemps. Cette bière, annonciatrice de cette formidable saison, symbole du renouveau, est une bière blonde légère bien houblonnée, à la manière des très goutteuses bières IPA (Indian Pale Ale). Cette bière très simple de part sa base maltée, un seul malt utilisé, du Pilsen (malt pas du tout torréfié), est en revanche complexe de part son profil aromatique que l’on doit à son houblonnage. Cette année, cette bière nous a paru idéale pour mettre à l’honneur les houblons que nous avons produits nous même au sein de notre toute nouvelle houblonnière. Ainsi ce n’est pas moins de 6 variétés de houblons qui auront été nécessaire à la production notre Belette de printemps, incorporés à différents stades de la recette (lors de la cuisson, mais aussi à froid directement dans le fermenteur). Cette « orgie houblonnesque » devrait une fois encore ravir les papilles des fidèles de notre fameuse Belette de printemps cuvée 2022, avec entre autres des saveurs de cassis et agrumes mêlées à une bonne dose d’amertume.

 

Où peut-on acheter les bières La Belette ?

Tout d’abord chez nous 😊 pour ceux qui ont la curiosité et l’envie de venir voir comment on travaille. Nous sommes assez fiers d’avoir un petit point de vente qui nous permet d’accueillir les personnes. Il suffit juste de nous passer un coup de téléphone pour s’assurer qu’on est sur place.

On est présent sur quelques festivités locales au moment des fêtes de noël et des marchés d’été.

Enfin en vente directe et toute l’année dans une dizaine d’AMAPs en Vienne, Deux-Sèvres et Vendée.

On est aussi présent dans un réseau de magasins partenaires : les magasins de producteurs, épiceries bio, petites épiceries, de cavistes et de supermarchés.

Ensuite quelques restaurants et cafés à proximité de la brasserie et les offices de tourisme des alentours.

J’en profite également pour parler de notre engagement associatif. La brasserie s’est développée et pour nous il nous semble normal, en tant qu’acteurs de la vie locale, de contribuer à certains projets. Ça fait donc quelques années qu’on soutient des clubs sportifs et des associations de protection de la nature.

Avec Deux-Sèvres Nature et Environnement, on a fait une bière militante « la Belette & co », sortie à l’occasion de leur 50ème anniversaire. Pour cette bière, on reverse une partie des recettes en soutien à leur projet d’éducation à l’environnement et de protection de la nature. On soutient aussi les clubs de sport locaux : le club de hand de Pamproux, le HandBall Mothais (HBM) à la Mothe Saint-Héray, le Pays Mélusin Basket Club (PMBC) à Lusignan et l’aventure de deux étudiants qui partent sur le 4L Trophy cette année en épreuve solidaire.

Enfin la brasserie est adhérente depuis ses débuts à Deux-Sèvres Agro bio, association qui œuvre pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique dans notre département.

 

Q/R du Tac au Tac !

Bière blondes ou brune ? Brune
Ambrées ou blanches ? Ambrée
Forte ou légère ? Légère
Aromatisée ou nature ? Nature
La première bière que vous ayez bue ? (Laura) Je ne m’en souviens pas, mais je pense que c’était du cidre fermier car mon grand-père produisait son cidre et son calva. Les premières boissons fermentées, assez fortes et qui avez du goût, c’était le cidre de mon grand-père.

 

Mettez-moi au défi ! Qui dois-je aller interviewer pour Ol’est Bien Bon ?

Je suis très admirative du travail d’Audrey Philippe et de la famille Braconnier à Soudan (79). Audrey, avec Trogne de chèvre, propose d’excellents fromages de chèvres biologiques. Une exploitation avant-gardiste pour son insertion dans le paysage et son souci de l’agroécologie !

 

Ne les perdez pas de vue !

Retrouvez la Brasserie du Val de Sèvre et leur bière La Belette sur Facebook et sur leur site.
Une petite soif ?
c’est par ici : 10 impasse Fortranche, 79800 Salles

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