PROCHAINES DISPONIBILITÉS : Mai 2024

#6 Rencontre avec Jérémie de la Fromagerie Chosson à Poitiers

BBP #6 Fromagerie Jérémie Chosson
Poitiers (86)

Bien-Bon faiseurs

Quel est votre parcours professionnel ?

Et comment en êtes-vous arrivé à devenir artisan crémier-fromager ?

J’ai fait un bac ES, puis des études dans le commerce jusqu’à une licence en gestion de point de vente et puis après, de la grande distribution. C’est ma première carrière. Environ 12 ans de grande distribution, dans le groupe Auchan. J’ai donc vraiment un parcours de commerçant, que ce soit dans le parcours universitaire ou professionnel. C’est vraiment mon truc, et puis après, au bout d’une bonne dizaine d’années, une lassitude non pas du métier mais plus de la façon dont il est pratiqué en grande distribution.

On parle beaucoup des reconversions en ce moment et des remises en question sur une façon de faire, sur une façon de commercer. C’est une école fantastique la grande distribution, je ne regrette pas du tout, j’y ai appris énormément de choses mais ça aussi ces travers et on les connaît. Il y avait l’idée de donner du sens, intégrer un commerce de proximité, avoir cette présence, cette proximité.

Je n’étais pas dans le fromage à la base, même si j’étais commerçant, je vendais des produits de nouvelle technologie…Rien à voir !

J’ai donc quitté la grande distribution, j’ai fait une formation. J’ai fait une petite expérience à Paris et puis après, je me suis installé ici puisque Poitiers. C’est ma ville. car je suis né à Châtellerault et ça fait 20 ans que j’habite à Poitiers.

Et j’ai monté mon affaire dès que ça a été possible. C’était en 2015.

 

Mais alors pourquoi la fromagerie ?

Et pourquoi pas ? J’ai envie de dire ! Plus sérieusement, je trouve que c’est un produit qui est porteur de plein de belles valeurs. Il y a ce partage, il y a cette proximité. Déjà, je voulais un métier de bouche parce que c’est l’essence même du commerce de proximité, c’est nos petits commerces de quartier, c’est ce qui fait vraiment vivre nos cités. Et puis voilà, le fromage me plaisait mais après, c’est clair que ça aurait pu être primeur, le pain, ça aurait pu être autre chose. Je n’avais pas d’à priori. Le fromage me plaît beaucoup mais c’est vrai que ça aurait pu être autre chose.

“Pour bien avancer dans la vie, j’ai la certitude qu’il faut savoir s’entourer de modèles, de guides.”

C’est ce que vous avez écrit sur votre site, pouvez-vous m’en dire plus?

Par-là, je veux dire que ce sont des gens qui sont un peu des mentors, qui apportent une certaine clairvoyance en tout cas, qui vous guident. Donc moi c’est vrai que j’ai rencontré quelques bonnes personnes au bon moment, dans le fromage, notamment, qui m’ont apporté l’exigence, qui m’ont fait comprendre aussi toute la technicité, toute la difficulté du produit fromager, d’essayer d’aller vers l’humilité aussi, se rendre compte que c’est compliqué le fromage donc voilà, j’ai été guidé, ça m’a été très utile.

 

Vous avez une très belle boutique, comment avez-vous penser son aménagement, sa décoration?

Qu’est ce que vous vouliez transmettre à vos clients?

Je pense, alors c’est peut-être involontaire ou inconscient mais c’est une certaine forme de simplicité. Éviter les effets de manche, aller vers quelque chose de simple et d’épuré. C’est dans le nom par exemple de ma fromagerie, elle porte mon nom, très simplement, ce n’est pas par mégalomanie mais c’est simplement que ce n’était pas mon délire d’aller chercher un jeu de mots, d’aller chercher une blague…

Donc, la simplicité, l’authenticité. Ce sont des choses qui me parlent, c’est ce que j’ai aimé aussi chez le fromager avec qui j’ai été formé. Par exemple, les présentations de ses rayonnages, plutôt épurées, simples pour ne pas dénaturer le fromage. Ses plateaux de fromages, ce sont des coupes assez simples où on retrouve le fromage. Ce ne sont pas des découpes à outrance et des constructions alambiquées. Il y a des choses qui peuvent être faites très simplement et je trouve que c’est la meilleure façon aussi d’honorer, de mieux respecter aussi le produit.

 

Comment sélectionnez-vous vos fromages?

C’est d’abord les rencontres que j’ai pu faire par ma petite expérience aussi avec un autre fromager. On est un peu intronisé forcément. C’était un fromager qui était très exigeant, qui avait un carnet d’adresses fourni, intéressant donc déjà, je baignais dans une sélection naturellement exigeante donc ça m’a permis d’ouvrir les premières portes. Et puis après, c’est une ouverture d’esprit qu’il faut avoir aussi, être en recherche permanente.

 

Qu’est-ce qui fait que vous vous dites : « ce fromage-là, je vais le sélectionner pour ma boutique ». Ça va être la façon dont il est produit ? Ou son caractère en bouche ?

C’est un peu un ensemble. La façon dont il est fabriqué, c’est clair que c’est quelque chose d’essentiel. Est-ce qu’il s’intègre dans son terroir ? Est-ce qu’il est respectueux de certaines valeurs…Donc oui, la sélection, elle se fait aussi comme ça. Il y a un équilibre qui se trouve aussi dans les goûts, les familles, la saisonnalité, quand c’est possible. Donc on va construire sa gamme comme ceci.

 

Vous avez développé une offre de restauration/snaking “fait-maison” ultra gourmande comme la Raclette Bowls, Crostata Romana ou encore vos grilled cheese. Vous cuisinez des pickles de carotte vous même… Vous apportez un service qui va au delà du métier de “crémier-fromager”. Pourquoi cette envie ? C’était une idée dès la création de la fromagerie ? Une demande de vos clients ?…

Alors, il y a des arguments très prosaïques, très basiques et d’autres, qui sont décidés aussi par l’envie de se renouveler, de se bouger un petit peu.

Ce que je veux éviter, c’est vendre les mêmes fromages dans 10, 20, 30 ans, les poser aux mêmes endroits, les vendre aux mêmes personnes donc c’est extrêmement foisonnant, c’est extrêmement bouillonnant le monde du fromage, il y a à la fois cette dimension terroir traditionnel mais c’est aussi un secteur qui est très actif, qui évolue beaucoup avec lequel on peut faire plein de choses. Donc proposer de la restauration, faire des choses nous-mêmes, c’est aussi toujours se mettre en mouvement, de ne pas se lasser, et c’est quand même super passionnant.

Et puis après, il y a aussi la dimension économique, plus prosaïque. Faire de la restauration, ça permet de travailler peut-être des produits où on a un peu trop de stock, de piloter un petit peu ses stocks et c’est un avantage non négligeable qu’il faut avoir en tête.

 

Mais par ailleurs, c’est très bien de limiter le gachi alimentaire…

Exactement, ça s’intègre aussi là-dedans.
En préparation, c’est vrai que l’on va faire énormément de choses. On va faire des desserts, on fait des mousses au chocolat, des riz au lait, des mousses au café, des pana cotta. On a une quinzaine de desserts différents.

On a fait un pesto maison à l’ail des ours. La saison de l’ail des ours a commencé donc là, par exemple, on a fait une préparation de pesto, d’amandes effilées, de petites, burratina. On va faire des fetas rôties, on va faire des petites préparations pour les apéritifs. On prépare des pépites de fromage donc là aussi, on a peut-être une douzaine, une quinzaine de petites préparations salées dans l’esprit apéritif, la restauration du midi, sous forme de sandwichs, des sandwichs toastés cheese, des salades donc c’est juste passionnant. Hier encore, on testait un sandwich au brocciu avec des sardines, un autre avec du speck.

 

Vous partez d’un fromage ?

On part d’un fromage, d’une problématique, d’une saisonnalité.
En ce moment, c’est l’ail des ours, alors on a fait un sandwich autour de l’ail des ours, de la brousse, et puis quelque chose qu’on a vu sur le marché. On est tous les jours sur le marché les Halles Notre-Dame qui sont juste à côté et on a nos partenaires. On travaille au quotidien avec des primeurs, des charcutiers, des poissonniers

Il va y avoir l’arrivée des asperges vertes, là, bientôt, on va peut-être sortir une recette avec une petite faisselle de chèvre, avec des asperges vertes, un mélange de radis, d’huile d’olive.

Et puis ça créé une émulation au sein de l’équipe. J’ai la chance d’avoir une équipe qui est investie, qui est intéressée, qui aime bien manger. Donc il y en a un qui a une idée, et puis ça discute, et puis on part d’une recette, enfin c’est vraiment un travail d’équipe.

 

Une cliente interrompt Jérémie pour lui demander du Brocciu. Il en profite donc pour faire une petite apparté sur ce fromage. “…Brocciu, c’est la pleine saison”. Vous voyez, on est à la saison du fromage de brebis et donc le fromage de chèvre, lui, commencera plutôt en avril. Le brocciu, c’est corse, c’est un fromage, c’est une brousse de brebis (ou de chèvre). C’est ce qu’on appelle aussi un fromage de recuite, c’est ce qui donne le nom de la ricotta. À partir du petit lait (le liquide clair qui reste après avoir fabriqué un fromage) on le re-chauffe et, on arrive à récupérer encore un peu de matière pour fabriquer du fromage. Puis, on rajoute un peu de lait dans le brocciu. On est sur quelque chose de frais qui peut rappeler de la faisselle mais plus dense, et c’est très intégré dans la cuisine italienne, et puis en France, il y a le brocciu, il y a le greuil dans le Béarn, il y a le sérac en Savoie…

 

Un fromage signature ? Ou un qui vous parle plus en ce moment ?

C’est super dur de répondre à cette question parce qu’en fait, il y a le plaisir justement de changer très régulièrement. Si on devait parler de signature, je dirais plutôt, que justement, on fait tout pour ne pas proposer les mêmes fromages tout le temps et de ne pas forcément avoir de fromage fétiche.

Toutes les semaines, et c’est aussi ce qui plaît à mes clients, c’est qu’il y a un nouveau fromage ou un nouvel affinage avec une rotation. J’ai un gouda un peu particulier, un gouda ceronné, ça faisait peut-être 6-8 mois qu’on ne l’avait pas proposé, il a fait son retour donc on le fait redécouvrir et ça permet de ne jamais être lassé, toujours dans cette idée d’émulation, de créativité toujours proposer de nouvelles choses.

La semaine prochaine, par exemple, on va avoir un fantastique arrivage de fromages italiens avec la famille des pâtes filées. Mais aussi, des fromages qui peuvent être affinés donc le provolone, le caciocavallo, des fromages italiens assez étonnants, qu’on présentera la semaine prochaine.

 

Comment faites-vous pour constituer un plateau de fromage (mariage et accords, gouts… ) ?

Il y a un équilibre bien sûr qu’il faut arriver à trouver sur le plateau entre pâte molle, pâte dure, les différents types de lait, les couleurs aussi, les formes mais nos plateaux. On peut aussi prendre des envies, des recommandations, enfin…voire des exigences sur certains fromages – à mettre ou à éviter – mais c’est vrai qu’on explique aux clients qu’on va toujours un peu aussi composer selon la saisonnalité, selon le niveau de maturité.

Un client qui nous demanderait par exemple un brie de Meaux, absolument, si au moment où on devait faire le plateau, il manquait un petit peu d’affinage, et bien on proposerait peut-être plutôt un brie de Melun ou un Chaource, donc il y a une marge de manoeuvre quand même qu’on s’accorde pour toujours composer quelque chose qui soit le mieux possible. D’ailleurs, la plupart de nos clients nous font même totalement confiance et nous laisse composer le plateau.

 

Et il y a un ordre de dégustation dans les fromages quand on en a plusieurs ?

On va essayer de monter en intensité progressivement. Le risque bien sûr, après, c’est de saturer son palais voire même de l’anesthésier si on commence tout de suite par un fromage trop puissant, car il ne laissera plus du tout la place à un fromage qui sera plus délicat. Ça fait donc partie des recommandations que l’on peut faire à nos clients en proposant un ordre de dégustation.

 

Q/R du tac au tac !

𝙍𝙖𝙘𝙡𝙚𝙩𝙩𝙚 𝘽𝙤𝙬𝙡𝙨 ou 𝙜𝙧𝙞𝙡𝙡 𝙘𝙝𝙚𝙚𝙨𝙚 ? Grill cheese
Raclette ou Mont d’or ? Raclette
Raclette “classique” ou raclette morbier? Raclette classique
Pouligny Saint-Pierre ou Sainte-Maure-de-Touraine? Pouligny-Saint-Pierre quand il est très sec
Un accord Vin/fromage ? Classique, un vin moelleux avec une pâte persillée ou alors peut-être un peu moins connu, une bière ambrée avec du roquefort !
Votre premier souvenir fromager ? Mon premier souvenir fromager ? Mais alors, il faut que j’aille plus dans mon enfance… parce que si c’est mon enfance, ça va être le Babybel, donc je ne sais pas s’il faut le dire ?! J’avais une maman très bonne cuisinière mais dans les années 80, vous savez, c’était le règne de la nourriture industrielle, des purées Mousline et du babaybel donc j’ai été biberonné à ça et au kiri. Bon après vous voyez, tout n’est pas perdu ! On peut arriver à s’orienter après vers des belles choses (rire).

 

Mettez-moi au défi ! Qui dois-je aller interviewer pour Ol’est Bien Bon ?

Allez voir la ferme Coudret à Neuville de Poitou ! Parce que c’est peut-être eux qui font encore des chabis à l’ancienne.

 

Ne le perdez pas de vue !

Retrouvez la Fromagerie Jérémie Chosson sur Facebook et Instagram et sur leur site.
Une petite faim ? C’est par ici : 5 Rue du Marché Notre Dame, 86000 Poitiers