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À la rencontre de Matéo Cosnefroy, Fondateur de Racine Carrée

 

Rencontre Inspirante

 

Dans l’univers du chocolat bean-to-bar, ou devrais-je dire fresh-bean-to-bar, certains parcours inspirent par leur sincérité, leur exigence et leur engagement. C’est le cas de Matéo Cosnefroy, ingénieur agronome devenu chocolatier, dont l’aventure professionnelle nous emmène de la forêt amazonienne du Pérou jusqu’à un petit atelier artisanal niché à Saint-Jeannet, dans le sud de la France.

Après plusieurs années passées sur le terrain, aux côtés des producteurs de cacao, Matéo a fait le choix radical de créer sa propre filière, en maîtrisant chaque étape du processus : sélection des cabosses, fermentation, séchage, et bien sûr, transformation en tablette. Avec Racine Carrée, il défend un modèle profondément humain, transparent et respectueux, où le terroir, la qualité et la traçabilité sont au cœur de la démarche.

Dans cette interview, il nous partage son parcours, ses convictions, et la manière dont il conçoit le chocolat comme un produit de terroir à part entière. Une conversation passionnante, entre rigueur technique, engagement éthique et créativité artisanale.

Merci à lui pour sa générosité et sa disponibilité.

Je vous laisse découvrir son récit.

 

Peux-tu nous présenter ton parcours et nous raconter comment tu as créé Racine Carré ?

Je m’appelle Matéo Cosnefroy, ingénieur agronome de formation. J’ai découvert le cacao au Pérou lors d’un stage de fin d’études, dans un programme de remplacement des cultures de coca par des alternatives légales et durables, comme le cacao. Cette première expérience m’a ouvert les yeux sur le potentiel social et économique du cacao pour les petits producteurs.

J’ai ensuite travaillé pendant trois ans chez Choba Choba, où j’ai mené un vaste travail de caractérisation des cacaos natifs dans la vallée. J’y ai inventorié plus de 250 arbres, analysé leurs caractéristiques aromatiques et mis en place des micro-fermentations. Rapidement, je suis passé responsable qualité. J’ai alors géré toute la chaîne post-récolte : de la réception des fèves fraîches jusqu’à la fermentation et au séchage. C’était dans des conditions extrêmes, au fin fond de l’Amazonie, sans téléphone ni internet, avec une vraie vie d’ermite, où je faisais du chocolat sur place avec les moyens du bord.

Après une mission difficile à São Tomé, j’étais physiquement et moralement épuisé. J’ai ensuite intégré la chocolaterie Hasnaâ Chocolat Grand Crus à Bordeaux pour passer un CAP Chocolatier, et c’est là que j’ai rencontré Camille, qui est aujourd’hui ma compagne et partenaire dans le projet. Durant le Covid, je faisais du chocolat dans la cuisine de ma mère, avec des fèves que j’avais ramenées de mes précédents voyages.

C’est à ce moment-là que Jimy, un ami péruvien et ancien collègue chez Choba Choba, m’a contacté. Il avait hérité de la plantation familiale Alto Miro. Ensemble, on a eu l’idée de créer une filière intégrée : transformer sur place, au Pérou, les fèves qu’on sélectionne (directement en se rendant chez les producteurs), fermente et sèche nous-mêmes, puis les envoyer en France pour en faire du chocolat bean-to-bar.

On a donc fondé deux structures : une entreprise au Pérou pour la fermentation et le séchage, et Racine Carré, en France, pour la transformation. Aujourd’hui, on travaille avec cinq producteurs, choisis pour leur sérieux et leur terroir, dans un rayon de 60 km. On fait tout nous-mêmes, de l’ouverture des cabosses jusqu’aux tablettes, avec un seul objectif : créer un chocolat traçable, aromatique, et respectueux du travail de chacun. Le projet s’est installé à Saint-Jeannet, dans un petit atelier que j’ai monté sans emprunt, avec beaucoup de système D et l’aide de ma famille et de mes amis. Racine Carré, c’est une aventure humaine et artisanale, née d’un engagement fort pour le cacao et ceux qui le cultivent.

L’idée c’est de faire au Pérou du « fresh-bean-to-dry-bean » et en France de « dry-bean-to-bar ». C’est pour cela que l’on aime dire fabriquer du chocolat en « fresh-bean-to-bar » en maitrisant toutes les étapes.

 

Quel est ton premier souvenir marquant lié au chocolat ? Le moment où tu as réalisé ta passion pour cet univers ?

Quand j’étais gamin, je n’étais pas fan des Kinder et autres trucs industriels trop sucrés. Mais je me souviens d’avoir piqué des tablettes de chocolat noir chez ma grand-mère.

Le vrai déclic, c’est quand le fondateur de Choba Choba m’a offert une sélection de chocolats d’origine à la fin de mon mémoire. Là, j’ai compris que ce que je faisais à la plantation pouvait vraiment se traduire en un produit final aromatique, complexe, avec une vraie diversité. Ça a donné du sens à mon travail.

Dans la formation « chocologie » de Victoire Finaz, tu as souligné l’importance cruciale des étapes de fermentation et de séchage pour l’élaboration d’un chocolat de qualité. Pourrais-tu nous en dire plus à ce sujet ?

C’est capital. Ces deux étapes représentent au minimum 80 % des arômes du chocolat. Si c’est mal fait, tu es obligé de rattraper avec des torréfactions agressives, du conchage ou des ajouts.

Chez Racine Carré, on ouvre nous-mêmes les cabosses, on sélectionne à la main la matière première pour éviter les fèves malades. C’est coûteux, mais ça garantit une fermentation homogène, sans contamination, et un chocolat qu’on peut même travailler en cru.

 

 

Comment détermines-tu les proportions idéales entre le cacao et le sucre pour chacune de tes créations ?

C’est le palais. Il n’y a pas de formule magique. Je goûte la fève crue, je teste la torréfaction, puis j’équilibre avec le sucre en fonction de ce que la fève exprime.

Par exemple, notre chocolat à 78 % peut paraître très doux grâce à sa fermentation longue et ses notes de fruits compotés. À l’inverse, une autre fève plus brute supportera un 85 %. On goûte, on ajuste, on fait confiance à notre ressenti.

La sélection des fèves semble être la première étape fondamentale de ton travail. Comment se déroule ce processus et quelles sont les étapes suivantes ?

Oui, c’est la base. On choisit les producteurs avec qui on travaille, on connaît leur méthode, leur terroir, leur génétique. Ensuite, à la récolte, on ouvre les cabosses nous-mêmes pour trier directement. On élimine tout ce qui est moisi, pourri, véreux ou malade, des éléments habituellement intégrés dans la masse pour le cacao classique et même de marque plus haut de gamme.

On fermente et on sèche sur place, dans notre propre centre, comme une cave à vin. Ça permet une maîtrise totale de la qualité, de la fermentation jusqu’à la tablette.

 

Parlons de l’extrême : qu’est-ce qui caractérise un chocolat à 99% de cacao et quels défis pose sa fabrication ?

On le fait pour répondre à une clientèle qui veut du sans sucre. On utilise la fève d’Alto Miro parce qu’elle a une fermentation très longue (15–17 jours), avec beaucoup de sucre naturel dans la pulpe.

Résultat : un 99 % très doux, sans amertume, ni astringence. Rien à voir avec les 99 % industriels qu’on trouve dans le commerce, sur-torréfiés, amers, pleins de beurre de cacao ajouté pour masquer les défauts.

 

En tant que designer travaillant avec des chocolatiers, j’ai été particulièrement sensible au soin apporté à ton identité visuelle. Pourquoi cet aspect était-il si important pour toi et comment as-tu développé cette cohérence ?

Parce que tu paies une tablette 9 ou 12 €, donc elle doit être impeccable. C’est un produit presque de luxe. On voulait que tout soit cohérent : la qualité de la fève, du process, et l’esthétique.

On raconte une vraie histoire, avec transparence : on connaît tous nos producteurs, on a fait les photos nous-mêmes, on met les infos au dos de chaque tablette (terroir, génétique, sol, jours de fermentation…). L’image de marque nous aide aussi à entrer dans des lieux plus prestigieux et à créer une relation de confiance avec nos clients.

 

Pour conclure, quel est ton souvenir le plus marquant de ton expérience à la plantation Alto Miro ?

La première récolte. Mettre les fèves dans nos bacs de fermentation, dans notre propre centre, c’était l’aboutissement d’un rêve qu’on avait avec Jimy depuis des années.

C’est un projet pensé en réaction aux galères qu’on a vécues lors de nos expériences précédentes. Là, on travaille avec des pros, des gens qui savent ce qu’ils font, avec qui on a un vrai partenariat. C’était le début concret d’un projet de filière intégrée, exigeante et juste, autant pour le producteur que pour le consommateur.

 

 

 

 

Notre associé, producteur et ingénieur agronome Jimy dit toujours :

« Un bon chocolat commence par une bonne récolte. »

 

 

Retrouvez-en davantage sur Matéo & Racine Carrée sur leur site et leur Instagram.

 

À très vite pour une prochaine rencontre inspirante,

Mathilde.